Les écoles de jurisprudence islamique.
La question des écoles de jurisprudence en Islam, et par extension, celle du » Taqlîd
» (d’adhérer à une de ces écoles), est une question très importante. C’est ce que je vous
propose de voir brièvement au travers de ces quelques lignes.
On va, pour cela, débuter à partir d’un fait indiscutable: Tout musulman doit obéissance
à Allah et à Son Messager Prophète, Mohammad (sallallâhou alayhi wa sallam). Comme il
n’est pas possible au croyant de s’adresser directement à Allah ou à Son messager
(sallallâhou alayhi wa sallam) afin d’obtenir des directives de leur part, c’est la raison pour
laquelle tout musulman doit obligatoirement se référer au Qour’aane et aux Hadiths, qui sont
considérés à ce titre comme les sources fondamentales de l’Islam. Cependant, il est
nécessaire de préciser que les prescriptions contenus dans les textes de
références islamiques sont de deux types:
● Certaines de ces prescriptions sont claires, explicites, indiscutables, sans ambiguïté aucune
et ne sont contredites par aucune autre référence. Il s’agit par exemple de l’interdiction de
l’adultère, de l’obligation de la Salât ou du jeûne de Ramadhân, etc… Il est obligatoire à
tout musulman de respecter ce genre d’injonction, sans avoir pour cela à se référer à qui
que ce soit.
● Il existe d’autres prescriptions qui, au contraire, ne sont pas explicites ou contiennent une
certaine ambiguïté, en ce sens que, les termes qui sont employées à leur sujet possèdent
littéralement plusieurs significations ou peuvent être interprétés de différentes façons. A
titre d’exemple, on pourrait citer le verset suivant du Qour’aane: « Et les femmes divorcées
doivent observer un délai d’attente de trois « qourou' » « . Le mot « qourou' » en arabe est
employé aussi bien pour la période de menstrues, que le laps de temps intermédiaire
séparant deux menstrues. La question qui se pose est donc de connaître dans lequel de
ces deux sens le terme est employé dans le verset. De même, il existe certaines
prescriptions qui sont, en apparence, contredites par d’autres textes de références. Par
exemple, dans un Hadith, le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) dit: « Pas
de prière pour celui qui ne récite
pas la (sourate) « al Fatiha » « . Ce Hadith laisse comprendre qu’il est obligatoire de réciter
la Sourate « Fatiha » dans toutes les prières, même lorsqu’elle est accomplie derrière un
Imam, en congrégation. Mais dans un autre Hadith, le Prophète Mouhammad
(sallallâhou alayhi wa sallam) dit: « Celui qui prie derrière l’Imâm, la récitation de l’Imâm
est assimilée à sa propre récitation. » Ce Hadith suppose pour sa part que, lorsqu’une
personne prie en congrégation, elle n’a pas à réciter quoique ce soit. Il y a donc entre ces
deux Hadiths une apparente contradiction. En ce qui concerne ce genre de prescriptions, il
est nécessaire d’avoir recours au principe de l' »Idjtihâd », afin de déterminer avec
précision le sens à donner au texte de référence ou afin de concilier les deux textes qui
sont, en apparence, contradictoires.
Qu’est-ce que l' »Idjtihâd » ?
Littéralement, le mot « Idjtihâd » signifie « faire des efforts ». Dans la
terminologie islamique, ce terme est employé pour désigner les efforts entrepris afin de
dégager une prescription, au sujet de laquelle il n’y a pas d’indications explicites et claires, à
partir des sources premières de l’Islam, le Qour’aane et les Hadiths. L’ Idjtihâd peut avoir
pour objet de déterminer le sens d’un texte juridique, ou d’accorder priorité à une référence
par rapport à d’autres, en cas de contradiction apparente entre elles. De même, le recours à
l’Idjtihâd est nécessaire afin de pouvoir statuer sur les problèmes nouveaux, et au sujet
desquels, ni le Qour’aane, ni les Hadiths n’apportent des réponses explicites. Dans ce genre
de cas, le « Moudjtahid » (celui qui a recours au Idjtihâd) peut procéder par exemple à un
raisonnement analogique à partir d’un principe juridique connu et approuvé.
L’Idjtihâd n’est cependant pas à la portée de tout un chacun. En effet, les compétences
requises pour cela sont très importantes. Pour simplifier, on pourrait les énumérer comme
suit:
● Il faut être un musulman majeur, sain d’esprit.
● La piété fait aussi partie des conditions requises pour le « Moudjtahid ».
● Posséder une parfaite maîtrise de la langue arabe. Il faut ainsi avoir une connaissance
approfondie de cette langue sur le plan du lexique, mais aussi sur le plan de la rhétorique et
de la sémantique. Il faut par ailleurs être versé dans les procédés stylistiques utilisés en
arabe; il est à noter qu’une telle maîtrise demande au préalable une connaissance profonde
de la littérature arabe et de la poésie, même celle de la période anté-islamique.
● Il faut encore posséder une connaissance globale du Qour’aane, et plus particulièrement
des versets prescriptifs du Qour’aane. Il est aussi nécessaire de connaître les procédés
permettant la compréhension des prescriptions à partir des textes de référence.
● Le « Moudjtahid » doit aussi être un expert dans la science des Hadiths. Il doit connaître
les Hadiths contenant les prescriptions, le statut de leur chaîne de transmission, leur degré
d’authenticité etc…
● Il doit être connaître les lois abrogées et celles qui abrogent. (« Nâsikh » , « Mansoukh »).
● Il doit être au courant des points sur lesquels un consensus (« Idjma' ») s’est dégagé
entre les Compagnons (radhia allâhou anhoum) , les Tâbéines r.a. et les Tabi Tabéines r.a.,
et ce, afin de ne pas statuer à l’encontre des ces consensus.
● Il doit enfin être pleinement informé des règles concernant le raisonnement analogique, et
tous les éléments qui y sont liés.
Bien qu’il soit très rare de trouver quelqu’un réunissant toutes ces qualités
actuellement, durant les premiers siècles de l’Islam, la situation était différente. En effet, à
cette époque , les « Moudjtahidins » étaient très nombreux. Mais le détail de leurs recherches
a été en grande partie perdu et n’est pas parvenu jusqu’à nous. Seuls les travaux juridiques
et les verdicts de quatre » Moudjtahidins » ont été compilés, classifiés, codifiés et conservés
dans leur intégralité. Il s’agit justement de l’œuvre de Abou Hanifa r.a., de Mouhammad Ibné
Idriss Châféi r.a., de Mâlik Ibné Anas r.a. et de Ahmad ibné Hambal r.a. Ce sont ces illustres
personnages qui sont les fondateurs des quatre grandes écoles juridiques islamiques, qui
sont encore suivies actuellement dans le monde entier.
Pour être complet, il faut ajouter que, quiconque ne possédant pas les qualités requises
pour le « Idjtihâd » doit nécessairement se référer à un « Moudjtahid ». Dans le vocabulaire
religieux, ce procédé est appelé « Taqlîd ».
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